摘要
Reviewed by: Titane réal. par Julia Ducournau François Massonnat Ducournau, Julia, réal. Titane. Int. Agathe Rousselle, Vincent Lindon, Garance Marillier, Laïs Salameh. Kazak, 2021. “Évanouissements, vomissements, malaises, crises de nerfs, départs précipités, la projection de Titane s’est transformée en véritable scène d’horreur”, rapportait le lendemain Le Figaro. Trois jours plus tard, le jury du Festival de Cannes récompensait le film de la Palme d’or. Certes, Titane, comme Grave cinq ans plus tôt, participe du cinéma d’horreur et regorge de scènes d’une rare violence, à la limite du soutenable pour certains. Cependant, il s’agit avant tout d’un film sur le besoin d’aimer et d’être aimé, sur la famille que l’on subit et celle que l’on choisit, et sur la tendresse et la beauté qui émergent lorsqu’on s’intéresse de près à ce qui rebute de prime abord. En cela, le lien que le film entretient avec ses spectateurs imite celui qui régit les relations entre ses personnages: pour l’apprécier, il faudra passer outre l’inconfort initial. Du titane dans la tête après un grave accident de voiture pendant son enfance, Alexia (Agathe Rousselle) n’est guère aimable, pas même aux yeux de parents qu’elle finira par brûler vifs. De fait, le meurtre vient aisément à la jeune lesbienne éprise de grosses cylindrées, et la police se met finalement à sa poursuite. Pour lui échapper, Alexia se défigure afin de mieux passer pour le fils depuis dix ans disparu de Vincent Legrand (Vincent Lindon). Celui-ci, trop heureux de retrouver un enfant qu’il croyait mort, s’empresse d’identifier l’héroïne comme son fils, malgré l’improbabilité de la situation. Ainsi Alexia devient-elle Adrien, logée (séquestrée?) dans la caserne de pompiers que commande ce père vieillissant qui refuse de s’avouer adoptif. Le corps se trouve donc au cœur du dispositif narratif. Celui d’Alexia est abîmé dès la plus tendre enfance, inaccessible aux hommes et femmes qui la désirent (à leurs risques et périls), déformé pour correspondre à celui d’Adrien, jusqu’à finalement porter et donner naissance à un enfant. Celui des hommes n’est pas en reste: Vincent dope le sien aux stéroïdes pour lutter contre un inéluctable vieillissement tandis que les pompiers de la caserne exposent les leurs, que Ducournau filme au ralenti, comme Claire Denis filmait ceux des légionnaires de Beau Travail. Masculinité et féminité sont constam -ment en jeu, questionnés et réévalués à mesure que les personnages se redéfinissent au contact l’un de l’autre. La forme du film, tout en éclairages aux néons colorés, prend parfois des tours vertigineux. Le plan séquence du salon automobile au début du film impressionne par sa longueur et sa flamboyante complexité. Quant à la scène aux multiples meurtres dans la maison, filmée en plan séquence puis redécoupée au montage, elle met en avant la capacité du film à braver les interdits au moyen de ruptures de ton: alors qu’Alexia commet son acte le plus violent, Ducournau s’autorise l’irruption simultanée de la tendresse et de l’humour (noir, mais tout de même), et fait basculer Titane dans une deuxième moitié radicalement différente où finit par s’imposer la douceur. Magistral. [End Page 217] François Massonnat Villanova University (PA) Copyright © 2022 American Association of Teachers of French